La cour militaire de garnison de Kinshasa Gombe en audience foraine à la prison de Makala en matière pénale a poursuivi le lundi 14 février 2011, l’instruction de l’affaire Chebeya, nom de l’ancien Directeur exécutif de l’Ong des droits de l’homme la Voix des Sans Voix dont le corps a été trouvé sans vie dans la périphérie de la ville de Kinshasa le 2 juin 2010. En somme, le tribunal a fixé rendez-vous au 21 février pour la prochaine audience qui sera suivie de la descente sur les différents sites épinglés et promis d’entendre l’expert de Tigo.
Après avoir effectué l’appel nominal des parties au procès, le tribunal de garnison a entendu principalement deux renseignants, le colonel Kanold Kamana, Inspecteur principal adjoint de la police Province Orientale et Alaine Ilunga Mwenze, Inspecteur principal de la Direction des rélations publiques et presse à l’Inspection générale de la police congolaise ainsi que John Aluku, expert de la société Airtel.
Pour Kanold, c’est un mensonge
Appelé a éclairer la cour sur les faits sous examen et d’indiquer quels types de liens Kanold Kamana entretenait avec tous les prévenus, sans l’ombre d’un doute, celui-ci a fait mention de ses rélations d’inimitié avec le Colonel Mukalayi et de plusieurs actes d’arrestations arbitraires que ce dernier avait perpétrés contre lui et avait juré de ne jamais lui pardonner suite à l’affaire de Mbandaka dans la province de l’Equateur.
En effet, selon Kanold Kamana, alors qu’ils servaient tous les deux à Mbandaka en 2004, lui assumant les fonctions d’Inspecteur adjoint et le colonel Mukalayi, celle du chef de département de renseignements, les services de la police avaient mis à nu un complot macabre monté par ce dernier pour assassiner l’inspecteur provincial, d’autres officiers où lui-même devait se donner la mort. «C’est moi qui avais présidé le conseil de discipline», a-t-il informé la cour militaire.
«Ce conseil, a-t-il poursuivi, avait suspendu et relevé de ses fonctions le Colonel Mukalayi qui a été mis à la disposition de la hiérarchie à Kinshasa. Et de confirmer que depuis, le colonel Mukalayi a toujours promis de ne jamais me pardonner pour avoir présidé ce conseil de discipline.
«Par la suite, mes déboires ont refait surface en 2008 à l’époque où j’étais commandant second à la légion PIR à Kinshasa. J’ai été interpellé par le colonel Mukalayi, directeur de la direction de renseignements des services spéciaux pour justifier le transfert de fonds du sixième bataillon de Chabunda», a-t-il déposé.
Toujours sur ce dossier, Kanold a indiqué avoir été séquestré par le Colonel Mukalayi dans son bureau à Kin Mazière jusqu’à 21 heures et qu’il n’a eu la vie sauve que grâce à l’intervention de certains amis. En janvier 2009, sur le séjour illégal de deux sujets Erythréens, Kanold a révélé que ce dossier étant tellement sensible et suite à la pression exercée sur lui par Daniel Mukalayi, il a piqué une crise jusqu’au coma. Au sortir de l’hôpital, a-t-il argué», alors que le médecin m’avait prescrit un repos médical de dix jours, j’ai été cueilli par quatre policiers sur instruction du meme Mukalayi sur le même dossier. Cette fois-ci, a-t-il ajouté, c’est l’intervention salutaire du général Unyon qui va me tirer d’affaires».
Sur le fond du dossier et de ses relations avec les deux agents de la police, mesdames Corine et Néhéma (qui avaient précédemment fait mention de la demande formulée par Kanold auprès d’elles pour arracher la page du registre du 1 juin 2010 à l’IG), Kanold Kamana a reconnu avoir eu ses deux dames sous son commandement à l’époque. «De quoi avez-vous parlé avec Corine», Kanold a dit être venu assister celle-ci à son appel puisqu’elle avait un enfant malade et n’avoir pas parlé d’autre chose.
En outre, sur la question de son séjour à Kinshasa au moment de la disparition tragique de Chebeya, Kanold Kamana a produit devant la cour ses différentes feuilles, dont celle de juin, signée le 19 juin 2010 et signalant son arrivée à Kinshasa le 20. Cependant, il s’est révélé sur la meme question après confrontation entre les trois (Kanold et les deux policières), une contradiction flagrante entre les deux femmes autour de la date de leur rencontre avec le colonel Kamana, le lieu du rendez-vous, la couleur du véhicule utilisé par ce dernier et de leur sujet de conversation). Bref, Kanold a présumé qu’il s’agit bien là d’une manipulation et d’un mensonge ourdi par les deux policières qui travaillent aujourd’hui sous les ordres du colonel Mukalayi. Après cette confrontation, les avocats de la défense ont formulé le vœu de faire venir le Directeur des ressources humaines pour authentifier les visas sur les feuilles de route et les relevés téléphoniques des appels échangés entre les trois. A cette demande, la cour a jugé inopportune la comparution du premier et sans objet pour la deuxième question, car techniquement irréalisable.
Je n’ai jamais fourni l’emploi du temps de l’IG
Invité à renseigner a son tour sur les échanges téléphoniques avec le colonel Mukalayi le 1 juin et le rendez-vous de l’Inspecteur général de la police avec feu Floribert Chebeya, Alaine Ilunga Mwenze a avoué devant la cour que «n’ayant pas l’emploi du temps de l’IG, je me suis rabattue sur son officier de sécurité pour me renseigner, ce qui m’a permis d’informer le colonel Mukalayi et les autres officiers supérieurs de la police que celui-ci ne passera pas au bureau». Quant à la rencontre organise avec Floribert Chebeya, celle-ci a nié en bloc toute implication dans ce dossier et n’avoir jamais pris connaissance de ce rendez-vous. Sur la contradiction avérée par les parties entre les deux registres de l’inspection générale, Alaine Ilunga a reconnu que ses services ne géraient pas les données à l’entrée de l’enceinte, ceux-ci géraient plutôt les données de l’intérieure, étant celles à l’entrée réservées à la sécurité. C’est le colonel Daniel Mukalayi qui est revenu à la charge devant la cour pour déclarer que c’est sur base de l’accord de principe obtenu de son chef, l’Inspecteur général, le général john Numbi d’organiser cette rencontre qu’il s’était fondé. Et d’ajouter que c’est ’en dépit de la réponse me donnée par Alaine que j’ai appelé Chebeya pour lui dire qu’il y aurait possibilité que le chef passe au bureau pour le recevoir, car il n’y était pas venu depuis quelques jours». Compte tenu de plaintes formulées par Chebeya sur ses difficultés à rencontrer l’IG, Daniel Mukalayi a dit qu’une fois ce dernier arrive, il allait informer le chef du protocole pour lui faciliter la tache. Chose que celle-ci a réfutée s’en tenant aux instructions officielles.
Il faut par ailleurs signaler que, sur le plan technique, l’expert d’Airtel, John Aluku a démontré qu’entre 9heures et 10 heures dans la journée du 1 juin, Daniel Mukalayi et Alaine Ilunga avaient échangé six appels.
A.Vungbo