Le 11 février 1990, le prisonnier politique MANDELA, qui était déjà un mythe historique, sort de sa captivité.
Son premier discours d’homme libre est la confirmation de sa foi politique : «je ne suis pas un prophète, mais le serviteur du peuple.
C’était évident que le peuple en question, dans la bouche de l’orateur ne pouvait qu’être tout le peuple sud-africain sans les frontières raciales où l’avait enferré le régime de l’Apartheid.
Des décennies auparavant, MANDELA avait adhéré à l’African National Congress et à sa revendication politique majeure : un homme, une voix.
Il y a milité avec une ardeur et une conviction telles qu’il avait fini par en être désigné un des leaders éminents et incontestés.
Mieux que tous ses compagnons de lutte et d’infortune, il a incarné l’idéal démocratique au-delà du possible.
Au moment où le régime de l’apartheid bénéficiait d’un environnement international politique et économique favorable, boostait littéralement son arrogance et son cynisme, c’était une véritable gageure de la part de l’ANC. Car en exigeant la démocratie pour tous les sud-africains de toutes les races aux tenants de l’Apartheid, c’était comme si on leur demandait de se faire hara kiri.
Pourtant c’était là, la moindre des choses car d’autres partis noirs ou multiraciaux concurrents, d’une envergure plus ou moins grande sans cependant atteindre celle de l’ANC s’inscrivaient dans une logique plus radicale, pour tout dire extrémiste.
Pour quelques uns d’entre eux, en effet, l’unique sort qu’il fallait réserver aux Boers racistes et colonialistes était de les jeter purement et simplement à la mer pour les contraindre à rentrer d’où ils étaient venus.
Or, malgré la succession des émancipations des peuples colonisés dans les autres pays africains et asiatiques entretemps, c’était rêver que de penser un seul instant que les Noirs sud-africains pouvaient bénéficier également de pareille destinée politique.
En effet, les Blancs sud-africains, les fameux Boers, se sont toujours estimés tout autant que les Noirs et même plus que ces derniers, légitimes habitants de l’Afrique du Sud. C’était leur pays, leur patrie, pour y avoir pris et fait racine et surtout pour avoir mis ses terres en valeur mieux que les Noirs qu’ils y avaient trouvés.
D’où leur conviction longtemps inébranlable que tous les avantages dont ils y jouissaient, et qu’on leur reprochait de s’être octroyés exclusivement à tort devaient être considérés comme leur revenant de plein droit tout naturellement étant donné que c’était là, le fruit de leur travail, de leurs sacrifices de plusieurs générations..
Aucun remord ou doute n’embarrassait les Boers, malgré l’évidence de toutes les preuves qui établissaient que leur splendide confort résultait de l’exploitation éhontée de la sueur des Noirs et des terres qu’ils leur ont arrachées au moyen des actes de violence inouïs et impitoyables.
Pour eux, les Noirs étaient juste du bétail humain taillable et corvéable à merci.
Mais l’histoire enseigne que la soumission n’est jamais un phénomène irréversible, car un être humain normalement constitué parvient toujours à se révolter, tôt ou tard, des humiliations subies.
C’est donc normal qu’au sein des Noirs sud-africains aient apparu progressivement des leaders incitant les leurs à relever la tête, et entendant par la suite faire comprendre et démontrer aux Blancs, que l’heure du changement avait sonné.
Vu sous cet angle, l’affrontement entre les deux protagonistes, à raison de la détermination qu’affichait chaque camp en présence pour défendre ses positions, ne pouvait que dégénérer en une guerre civile qui s’annonçait atroce.
On en a vu les prémisses avec l’amorce de la lutte armée par l’ANC à laquelle les tenants de l’apartheid ont répliqué par une sévère répression.
Déjà, les conséquences habituelles des guerres sont dévastatrices, et dans le cas de l’Afrique du Sud on pouvait aisément s’imaginer l’épouvante et le chaos qui pouvaient s’ensuivre, à raison de la profondeur des rancœurs que les Noirs nourrissaient envers les Blancs qui pouvait amener les premiers, nombreux, à se venger d’une façon barbare sur les seconds minoritaires.
Tous les Noirs ? Peut- être pas, car les divisions tribales aidant, les Blancs pouvaient tenter et avaient effectivement tenté de s’en servir, à leur avantage, si on se réfère à l’épisode de l’INKATA de MANGOSUTHU BUTHELEZI qui a fait pendant un temps le jeu des tenants de l’Apartheid en n’hésitant pas à s’opposer à l’ANC par des violences meurtrières et spectaculaires.
Quant aux Blancs sympathisants de la cause noire,- car il y en avait – tout était fait pour les dissuader de poursuivre leur idéal et si d’aventure ils étaient pris en flagrant délit de collusion et collaboration active avec l’ANC, le traitement qui leur était réservé, quoique dur, n’était pas le même que celui que subissaient « les hors la loi » noirs.
Toujours est-il qu’à un certain moment, les Boers, inconditionnels de l’Apartheid, ont du réaliser que tous les moyens musclés utilisés jusque là pour maintenir le statu quo étaient loin de garantir un long terme rassurant pour eux et leurs privilèges indus.
D’où leur résolution de négocier avec les leaders du camp adverse dont MANDELA, autour de la conviction qu’en dehors de la démocratie, Blancs et Noirs risquaient de perdre dans le bras de fer violent ce qu’ils avaient à gagner dans le dialogue, le pays qu’ils chérissent tous.
Il a fallu du temps et des épreuves pour que tout le monde comprenne que la politique du tout ou rien n’était jamais payante et surtout dans le cas de l’Afrique du Sud à la faveur de l’évolution historique.
Un proverbe africain ne dit-il pas qu’il est préférable d’avoir des dents pourries plutôt d’avoir une bouche complètement édentée, tandis que la Fontaine conseille de se contenter du tien qui vaut mieux que deux tu l’auras.
Prenons une illustration historique contemporaine avec la question palestinienne, quand elle fut portée à l’O.N.U. en 1947, par la Grande Bretagne, la puissance administrante butée contre les heurts entre les Arabes excédés et les Juifs dont l’exode ne faiblissait pas. L’ONU prit en novembre 1947 la décision de partager les territoires de la Palestine en DEUX ETATS, l’un pour les Juifs, et l’autre pour les Palestiniens.
Les Etats arabes, rejetèrent le plan onusien , au nom de leurs frères palestiniens , et mal inspirés, ils incitèrent ces derniers , avec quelques succès, à quitter la Palestine avec le projet de jeter les Juifs à la mer au moyen de la guerre qu’ils provoquèrent.
Ils leur promettaient le retour dans leurs maisons et les territoires aussitôt que les armées arabes les auraient nettoyés de la présence juive.
Et plus d’un demi siècle plus tard, les Palestiniens menés par le FLP, Front de la Libération de la Palestine, n’ont toujours pas encore tous réintégré leurs lieux. Tout ce qu’ils ont réussi à obtenir après des négociations épiques c’est d’installer dans les territoires qu’ils n’avaient pas heureusement abandonnés, un pouvoir politique autonome tout ce qu’il y a de plus bancal et restreint dit l’autorité palestinienne.
Du reste, mécontente de ce résultat dont semblaient se contenter la majeure partie des Palestiniens au terme des décennies de luttes, l’aile dure du FLP notamment le HAMAS, partisane d’une guerre à outrance, toujours avec la vaine idée d’effacer Israël de la surface de la terre, est confinée à Gaza.
Peut-on parier sur les chances de succès de cette tendance jusqu’au boutiste dans un avenir proche ?
Ce n’est donc pas peu des choses si les Noirs sud-africains avec MANDELA sont parvenus, à s’économiser une guerre civile, pour obtenir ne fut – ce que le pouvoir politique démocratique. C’est en cela que réside la grandeur de MANDELA qui le rachète de toutes les faiblesses qu’on peut lui imputer.
Car, à partir de cet acquis, gagner progressivement le pouvoir économique, par des voies démocratiques et par l’expertise, devient possible, sans se faire d’illusion sur la capacité de résistance énorme de Blancs qui en détiennent encore les leviers et qui entendent naturellement les garder pour longtemps.
Les plus pressés ont succombé à la tentation facile d’emprunter les raccourcis que sont les expropriations brutales ? Robert MUGABE a été de ceux là en franchissant le Rubicon avec ses fameuses mesures très peu amènes de déguerpissement des fermiers blancs, forçant l’admiration béate et l’envie de tous les laissés pour compte de l’Afrique du Sud post- Apartheid. Mais les bénéfices récoltés par les Zimbabwéens du coup d’audace du camarade Bob MUGABE sont pour le moins mitigés d’après les témoignages les plus charitables et si on s’en tient aux statistiques comparatives des périodes concernées.
Comme toujours c’est aux peaux de banane que jette continuellement l’Occident solidaire avec les fermiers Blancs dépossédés de Zimbabwe, que MUGABE et ses partisans attribuent les contre performances de l’agriculture zimbabwéenne indigéanisée.
Mais pour nous qui avons vécu la zaïrianisation et ses suites catastrophiques nous sommes tentés de penser à juste raison que les successeurs des fermiers blancs n’étaient et ne sont pas à la hauteur.
Le tout n’est pas de s’approprier l’économie encore faut la gérer et là en Afrique ce n’est pas encore évident.
C’est donc à tort qu’on voudra condamner MANDELA, de s’être interdit , alors qu’il était au pouvoir et qu’il en aurait eu les moyens d’appliquer sans réserve la thérapie MUGABE en Afrique du sud, car on la voulait non seulement pour les terres agricoles, mais dans les Mines et les Industries, et ce sous prétexte de satisfaire les longues , injustes et interminables attentes des masses populaires à ce sujet.
Imaginons si c’était le cas le chaos indescriptible qui pouvait en résulter pour non seulement les Sud-africains blancs mais aussi et surtout pour l’occident capitaliste tout entier dont les intérêts immenses dans l’économie sud-africaine s’y enchevêtrent dans des combinaisons et même des combines les plus sophistiquées.
C’est de leur avoir épargné cette situation qui pouvait être de désolation incommensurable et presqu’irrémédiable que MANDELA doit d’avoir été reçu des honneurs internationaux et surtout éloges planétaires émanant de plus grands de ce monde.
Il ne faut pas avoir la naïveté de ne pas le voir et le savoir.
Mais il reste que passer vingt – sept ans de sa vie dans une prison sans renier l’essentiel de son idéal est chose extrêmement rare chez les Africains. Et rarissime encore est de voir le Père de la Nation Arc en ciel exercer un mandat de cinq ans à la tête de la puissante Afrique du Sud, et s’en tenir là, sans chercher à être reconduit ou à se faire reconduire, alors qu’à ces fins ses chances étaient intactes.
MO IBRAHIM avec son indice de bonne gouvernance, à l’instar de DIOGENE muni de sa lampe en plein midi, cherche en vain ces derniers temps ces oiseaux rares qui arriveraient à la cheville de MANDELA.
Des êtres de chair et de sang comme nous tous, MANDELA et ses compagnons, ne pouvaient pas être et ne sont pas des TARZANS ou des supermans de qui il fallait attendre des solutions immédiates et définitives à tous les problèmes énormes des sud-africains.
C’étaient tout simplement des hommes suffisamment gonflés d’idéal et de détermination, comme on en voit rarement ailleurs en Afrique, pour avoir pu faire juste leur part de travail dans l’ouverture de ce vaste chantier démocratique laissé aux héritiers qu’est désormais l’Afrique du Sud.
Pour les autres africains que nous sommes, il ne nous reste qu’à rêver que l’immense exemple de MANDELA, fasse tâche d’huile en suscitant des émules qui nous changeront de nos habituels BOKASSA, Idi AMIN, SANI ABACHA, HISSEIN HABRE, etc……..en nous faisant accéder à la démocratie , l’autre nom du véritable épanouissement des peuples.
Les dictatures bienfaisantes africaines ou ailleurs, à l’instar de celle qui fut la superpuissance soviétique, ont montré leurs limites.
Si Dieu nous fait grâce de voir surgir chez nous en Afrique des véritables disciples de MANDELA en démocratie et qu’ils surpassent le Maître MANDELA, en qualité et nombre alors l’Afrique s’éveillera, tout le reste est littérature oiseuse.
L.MBUYI KAPUYA MELEKA