En effet, le ras-le-bol de transporteurs privés a commencé, jeudi 10 mai 2012, sur le boulevard du 30 juin lorsque pris en chasse par un motard, un conducteur, pour échapper à l’appétit financier de cet agent indélicat, est allé percute un passant devant l’immeuble de la « rigueur ». Malheureusement, ce piéton a été tué sur le coup, suscitant la colère de la population qui voulait en découdre tout de suite avec cet élément de la police de circulation routière. Certainement pris de panique et voyant la colère de passants, l’agent pour toute solution a dû changer de trajectoire et prendre une autre direction pour ne pas se faire lyncher. Excédée par ce jeu du chat et de la souris qui ne voulait pas dire son nom, l’Association de chauffeurs du Congo a lancé un mot d’ordre de boycott pour lundi 21 mai afin de manifester son mécontentement. Un mot d’ordre qui a plutôt bien fonctionné.
Dès la levée du jour, les arrêts de bus étaient étrangement vides, ce en l’absence de transport public assuré par l’Etat sous d’autres cieux où l’Etat fonctionne normalement. Pas de bus en vue ni de crieurs habituellement appelés «chargeurs». Et au fur et à mesure que le temps passait, les arrêts devenaient noirs de monde. En attente de rejoindre leur lieu de travail et fatigués d’attendre un transport qui ne venait pas, les plus téméraires de Kinois se sont tout simplement résolus à faire la marche à pieds. Conséquence, le centre ville de Kinshasa n’a pas connu son engouement habituel de début de semaine, présentant les allures d’une ville en grève. Cela, malgré une suspension tardive du contrôle de la police d’assurance annoncée par la Société nationale d’assurances (Sonas) ainsi que par le gouvernement provincial qui a lui aussi suspendu le contrôle de la vignette. La plupart de commerces, universités, écoles et administrations ont fonctionné au ralenti. Ce qui fait que tous les rendez-vous ont été décalés.
Première claque du quinquennat à l’Ouest
Toute proportion gardée, hormis les contestations à la suite de la publication de résultats par la Commission électorale nationale indépendante ce qui est arrivé lundi est un premier camouflet social pour le nouveau quinquennat de Joseph Kabila placé sous le signe de la révolution de la modernité. Cette situation a clairement mis en lumière la dépendance et l’assujettissement des pouvoirs publics par les privés en matière de transport urbain, principalement sur route. Ainsi, pour un gouvernement qui tient à matérialiser cette vision qui tend à faire de la Rd Congo un pays émergent. c’est raté. Il faut absolument que le gouvernement puisse revoir sa copie en cette matière, s’il ne tient pas à faire face dans un avenir proche à d’autres mouvements sociaux beaucoup plus importants.
On se souviendra que dans son programme d’action le gouvernement de la République se proposait, pour résoudre tant soit peu l’épineuse question de transport en commun à travers le pays, de doter chaque province d’une trentaine de bus. Dans un pays où l’infrastructure et la démographie, sans un recensement administratif, sont toujours en rapport inverse, une trentaine de bus pour une mégapole comme Kinshasa qui se trouve parmi les capitales dont la population croit vite sur le continent, près de dix millions d’âmes en l’absence de toutes les estimations fiables, un tel parc automobile est une goutte d’eau dans l’océan. Même dans l’hypothèse que ces bus arrivent réellement, quelle est cette société de transport qui sera chargée de leur gestion ? Par ailleurs, bien que présentes, «City train», et Stuc, les rares entreprises publiques dans ce domaine l’ombre d’elles-mêmes pour plusieurs raisons. D’autre part, il y a fort à parier que ces bus ne feront pas long feu. Mais aussi à cause de l’incivisme de la population qui n’a aucune culture des biens publics, de manque de routes et de pièces de rechange, c’est une aventure qui est d’ores et déjà vouée à l’échec.
Retranskin, un mort né
Toujours sur ce sujet, le chef de l’exécutif provincial devra nous dire clairement qu’est devenu son réseau de transport de Kinshasa (Retranskin), lancé avec pompe il y a deux ans alors que sa ville s’apprête à recevoir le sommet de la Francophonie au mois d’octobre prochain. La question que l’opinion se pose est celle de savoir comment Kimbuta compte faire pour que ses hôtes qui vont venir à cette messe francophone (journalistes, officiels et autres invités) puissent se mouvoir entre les différents sites retenus ? Car, la Francophonie est aussi l’histoire des peuples et pas seulement des officiels qui eux n’auront pas de difficultés de transport.
A.Vungbo