Laissant l’opinion tant nationale qu’internationale en état de choc qui va toujours crescendo, la mort du militant activiste des droits de l’homme, Floribert Chebeya, dans des circonstances et conditions non encore élucidées, est une sale affaire pour l’Etat congolais dont la première législature expérimentale s’achemine vers sa fin. En conséquence, tous ceux qui gravitent dans l’orbite du pouvoir, de près ou de loin, devraient s’astreindre à un devoir de réserve. On est très étonné d’observer qu’il y a parmi eux ceux qui ne semblent pas comprendre la gravité de ce drame, et qui rivalisent de zèle en faisant des déclarations inconvenantes et provocantes, apparemment pour disculper le pouvoir comme si la responsabilité de l’Etat était déjà établie dans cette affaire. Ce serait remuer encore le couteau dans la plaie, l’opinion se ressentant encore de l’effet produit par le communiqué de l’Inspection provinciale de la Police de la ville de Kinshasa, dont le contenu est généralement considéré comme indécent, insultant à la dignité et à la mémoire d’un homme qui menait une vie chaste de son vivant, à entendre ceux qui le connaissaient et le fréquentaient. Ils devraient être des êtres atypiques pour se permettre de jouer avec le feu qui risque de causer des dégâts incommensurables.
Mais on peut se demander pour qui rouleraient-ils quand on sait que le sommet du pouvoir a déjà montré officiellement qu’il ne transigeait pas avec ce crime. Le compte-rendu diffusé à l’issue de la réunion du Conseil supérieur de la défense autour de chef de l’Etat est sans équivoque. Des mesures conservatoires ont été prises séance tenante, frappant de suspension certains responsables à différents niveaux. On ne s’est pas opposé à la venue des médecins légistes étrangers pour procéder ou participer à l’autopsie du corps du défunt.
En somme, le chef de l’Etat s’est montré coopératif. Mais au nom de qui et à quel titre certains personnages s’élèvent-ils contre toute intervention de la communauté internationale dans cette affaire, estimant que cette démarche équivaudrait à la violation de la souveraineté de l’Etat congolais? D’ailleurs, il faut être politiquement aveugle pour ne pas discerner le volume et la provenance des réactions extérieures déchaînées par la mort du Directeur exécutif de « La Voix des sans voix », et s’imaginer qu’il serait indiqué d’engager le bras de fer avec toutes ces hautes sphères internationales. Ils ne voient pas qu’en attendant l’aboutissement des enquêtes, c’est le gouvernement qui risque de faire les frais de la bêtise commise, dont les commanditaires et les auteurs restent encore inconnus. Ce sont toujours des reptiles et des faucons qui se révèlent être des éléments d’une extrême dangerosité.
Ils commettent des bévues et des maladresses qui rejaillissent sur les gouvernants. Ceux qui montrent de la répugnance aux interférences étrangères dans le cas de la mort du leader militant de « La Voix des sans voix » ne se rendent pas compte de ce que cela sous-entend pour les observateurs. C’est donner l’impression que certaines sphères officielles seraient impliquées dans ce crime, d’où l’on ne voudrait pas que la vérité éclate au risque de les éclabousser. Heureusement qu’au sommet du pouvoir on s’est montré disposé à laisser des experts internationaux venir faire leur travail librement, sans aucune entrave. Le gouvernement devrait faire très attention aux propos que tiennent, dans cette affaire de la mort du militant activiste Chebeya, ceux qui sont généralement considérés par l’opinion comme appartenant à la coalition au pouvoir, au risque de faire croire que leurs prises de position seraient cautionnées par les décideurs politiques. On dirait que ce sont des sous-marins qui agissent de l’intérieur pour décrédibiliser le pouvoir et saper le système. Comment peut-on en penser autrement quand on voit que ces ultras ne se sont même pas gênés de prendre publiquement le contre-pied de la position du sommet de l’Etat dans cette affaire ?
Toutes proportions gardées, cet excès de zèle est semblable à celui des apparatchiks du régime de Mobutu qu’on voyait rivaliser de déclarations tirées par les cheveux pour trouver des circonstances atténuantes à propos des événements du Campus de Lubumbashi ayant à l’époque suscité un concert de protestations à l’échelle internationale. Certains survivants de ces apparatchiks se sont d’un coup de baguette convertis au kabilisme. Il n’y a pas d’autre raison d’évoquer cela que l’opportunité de souligner le rôle néfaste que les ultras jouent dans tous les systèmes politiques où ils sont infiltrés.
Jean N’Saka wa N’Saka