L’article 178 du Code Pénal Congolais Livre II rangé dans les dispositions prévoyant et punissant les atteintes à l’ordre des familles, est libellé comme suit : « Quiconque aura, soit par l’exposition, la vente ou la distribution d’écrits, imprimés ou non, soit par tout autre moyen de publicité, préconisé l’emploi de moyens quelconques de faire avorter une femme, aura fourni les indications sur la manière de se le procurer ou de s’en servir ou aura fait connaitre, dans le but de les recommander, les personnes qui les appliquent l’exposition, la vente ou la distribution.
Quiconque aura exposé, vendu, distribué, fabriqué, fait importer, fait transporter, remis à un agent de transport ou de distribution, annoncé par un moyen quelconque de publicité, les drogues ou engins spécialement destinés à faire avorter une femme ou annoncés comme tels..
Quiconque aura exposé ou distribué des objets spécialement destinés à empêcher la conception et aura fait de la réclame pour en favoriser la vente ;
Quiconque aura, dans un but de lucre, favorisé les passions d’autrui en exposant, vendant ou distribuant des écrits imprimés ou non qui divulguent des moyens d’empêcher la conception, et en préconisant l’emploi ou en fournissant des indications sur la manière de se les procurer ou de s’en servir ;
Quiconque aura, en vue du commerce ou de la distribution, fabriqué, fait fabriquer, fait importer, fait transporter, remis à un agent de transport ou de distribution ou annoncé par un moyen quelconque de publicité les écrits visés dans l’alinéa précédent, sera puni d’une servitude pénale de huit jours à un an et d’une amende de vingt-cinq à mille francs ou d’une de ces peines seulement. »
Comment peut-on encore appliquer cette disposition à la suite de l’apparition du VIH dans la société ainsi que le désastre qu’il fait subir à la population nationale et surtout mondiale dont l’accroissement vertigineux venait d’atteindre il y a peu la 7 milliardième naissance, bouleversant les conditions et la nécessité d’application de cet article ?
Il est vrai que La constitution de la RDC à la suite de la déclaration universelle des droits de l’homme et ses deux pactes sacralisent la vie humaine en imposant à l’Etat, l’obligation de la respecter et de la protéger.
Toute méthode, toute publicité ou tout acte allant à l’encontre de la propagande antinataliste ou anticonceptionnelle, constitue un comportement prohibé et puni.
Or, il y a longtemps que sont légion et acceptée, dans la pratique, les propagandes et publicités anticonceptionnelles ou antinatalistes en tant qu’elles jouent un double rôle : à savoir celui d’éviter des grossesses indésirables d’une part et de l’autre, de se prémunir contre le VIH et les IST, lors d’une relation sexuelle occasionnelle.
La question qui se pose consiste alors à savoir si la disposition pénale se justifie encore actuellement au vu de la propagation du VIH/SIDA et ses effets néfastes dans la société d’un côté et de l’autre du poids démographique galopant en ce 21è siècle.
Examinons tour à tour ces 2 facteurs majeurs.
1erfacteur lié au VIH
Cela fait plus de deux décennies depuis l’apparition du virus de l’immunodéficience acquise.
Etant donné qu’il n’y a jusqu’à présent aucun traitement efficace qui guérit la maladie, tous les efforts restent concentrés dans la prévention pour arriver à diminuer l’effet négatif de la pandémie du VIH dans nos communautés..
Et parmi les méthodes de prévention connues de tous, il y a notamment l’abstinence, la fidélité et le port correct des préservatifs (masculin et féminin) lors des relations hétérosexuelles ou homosexuelles occasionnelles
C’est ainsi que le Plan Stratégique National de Lutte contre le sida 2010-2014 abordant le point ayant trait à la réduction de la transmission des IST et VIH, insiste sur l’usage systématique du préservatif comme l’un des facteurs permettant de réduire la vulnérabilité des groupes à risque élevé.
Même la position de l’Eglise catholique qui était intransigeante à l’égard du préservatif a un peu évolué à la satisfaction de tous les acteurs de lutte contre le VIH d’abord et d’autres catégories, lorsque celle-ci admet l’utilisation des préservatifs dans certains cas bien déterminés.
2° Contexte lié à la surpopulation
Bien avant que l’on commence à parler de la croissance démographique, après avoir effectivement légiféré en faveur de la propagande nataliste, le chef de l’Etat a, en contradiction aux fins poursuivies par l’article 178 , pris l’ordonnance n°73/089 du 14/02/1973 mettant en place un Conseil National pour la Promotion du Principe de Naissances Désirables en abrégé CNPPND faisant la promotion des centres de naissances désirables.
Cette théorie de planification des naissances était naguère considérée comme empruntée à l’occident.
Les centres des naissances désirables précités ont la charge d’enseigner aux couples et surtout aux femmes, les différentes méthodes d’espacement des naissances et pourquoi pas aussi de limitation des naissances. Cette politique est effectivement en contradiction avec quelques alinéas de l’article précité.
Le constat est que cet article 178 cpl2 est déjà tombé en désuétude et ne demande qu’une abrogation légale en raison de l’absence des sanctions résultant de sa violation.
Maitre Marie-Louise Kapinga, Réseau Ethique Droit et VIH/SIDA