La semaine qui vient de s’achever a été très instructive pour la majorité des Congolais. Ils ont célébré deux dates importantes, le 16 et 17 janvier. Ces dates rappellent, à la mémoire collective des assaillants de Laurent-Désiré Kabila et Patrice Emery Lumumba. Cette page d’histoire montre combien il est important de perpétuer pour les générations futures les noms de certains compatriotes et lieux publics porteurs d’histoire. Les générations futures sauront toujours qui étaient LD. Kabila et Lumumba qui ont tous les deux leurs noms inscrits au patrimoine culturel et au panthéon de l’histoire congolaise.
Cependant, il s’observe depuis près de cinquante ans que le Congolais a tendance à falsifier sciemment son histoire au gré des idéologies. Ce qui pose à la fois un problème sur le plan administratif et culturel.
Et cette mauvaise manie d’écrire l’histoire du pays à sa manière remonte à la Deuxième République et continue de plus belle. Le Congolais-zaïrois veut à tout prix effacer son histoire collective au profit d’une histoire faite à sa sauce. Conséquence : chaque personne investie d’un quelconque pouvoir de décision débaptise et rebaptise des lieux et édifices publics à sa guise, sans tenir compte des conséquences de son aventure sur le plan de l’éducation, politique, culturel, économique, etc.
Résultat de ce cafouillage et hooliganisme, avec le temps, on se rend malheureusement compte que l’écolier, l’élève ou l’étudiant congolais ne connait plus rien de l’histoire de son pays. Celui-ci a plus en tête l’histoire des pays étrangers (France, Belgique, Italie, Usa, etc.) qui lui est enseignée. Comme certains observateurs affirment que l’histoire ne saute pas, ailleurs, même des pages les plus noires et qui ne plaisent pas à tout le monde, sont gardées et enseignées. Pour preuve, les grandes nations continuent à célébrer des dates, lieux et personnages historiques.
Alors que l’on se bat contre la balkanisation politique, le Congolais lui promeut la balkanisation culturelle avec une naïveté déconcertante. Ce désordre n’aide pas du tout à reconnaître des compatriotes qui les méritent et à les immortaliser pour ce qu’ils ont été ou fait pour la nation. Ainsi, à force de débaptiser et rebaptiser, on noie leur prestige et on leur rend un mauvais service pour la postérité.
Seuls des politiques et des artistes ont droit au chapitre, alors que d’autres catégories de compatriotes dont des intellectuels qui ont formé de dizaines de milliers des Congolais du primaire, secondaire et à l’université sont ignorés. A titre illustratif, il n’est pas normal que des intellectuels tels que feux professeurs Malu, Lurhuma et beaucoup d’autres ne soient connus que de leurs familles et de quelques privilégiés qui les ont connus.
Avec la géolocalisation actuellement en vogue, il est difficile à une touriste qui visite le pays pour la première fois, se fiant aux nouvelles technologies, de se retrouver.
Sur le plan administratif
En effet, sur ces changements intempestifs réalisés à temps et à contre temps, la logique voudrait que lorsque l’on change le nom d’une artère, il faut également que tout change : les titres fonciers, les documents de l’état-civil, etc. Bref, tous les documents doivent impérativement muter au risque de tomber dans le faux sur le plan légal. Cela est encore plus grave pour des entreprises logées sur ces artères, car les frais à payer pour changer les papiers en-tête et tout le reste de documents nécessitent d’importants moyens. La vraie question dans ce cas, c’est celle de savoir combien de temps l’Etat laisse-t-il aux victimes pour se conformer ? Ou encore, de quelles facilités administratives dispose-t-on pour opérer toutes ces mutations ? Et qui va payer les frais de mutations ?
Le phénomène a tellement pris de l’ampleur et s’est banalisé à travers le pays que dans la capitale congolaise par exemple, certaines grandes artères sont habituées à changer de noms sans que le commun des mortels ne sache pourquoi.
Tenez, pour ne prendre que la ville de Kinshasa, l’avenue Joséphine-Charlotte, du nom de la sœur du roi Baudouin a changé cinq fois d’appellation : Victimes de la rébellion, 24 novembre, Pierre Mulele et Libération. Si on devait à chaque fois muter des documents, combien devra-t-on débourser ? Pour tous ceux qui sont domiciliés sur cette artère qui va de la Gombe en passant par les communes de Lingwala, Bandalungwa, Selembao et Bumbu, difficile d’avoir une boite postale. Car, au gré des changements, un courrier important peut bien échapper à son destinataire. Dans le même registre, on peut citer certaines avenues qui rappellent des hauts faits militaires de la Force publique à l’instar de Tombeur de Tabora, devenue Tombalbaye puis Tabuley, Prince Baudouin devenue KasaVubu, Bangaladevenue Bokasa puis LuamboMakiadi, Flambeau devenue KabaseleTshiamala, Camp Nicolas Cito, du nom du premier machiniste qui avait conduit le train
sur la ligne ferroviaire Matadi-Kinshasa, devenu Kauka, Kamanyola devenu Stade des martyrs, le stade reine Astrid devenu Cardinal Malula, avenue FumuLutunu, du nom du cuisinier de Stanley devenue avenue du Livre, Mont Stanley devenu Mont Ngaliema, tous les camps et avenues Mobutu devenus systématiquement Kabila. Et les exemples sont légion. Et les noms des avenues de la commune de KasaVubu, restent le dernier bastion où l’on peut encore se souvenir des lieux où la force publique avait livré de batailles épiques et forgé son histoire. Conséquence : les livres d’histoire sont également creux à ce sujet. On ne veut pas raconter et écrire l’histoire du pays avec ses points forts et ses faiblesses. On se demande encore aujourd’hui le pourquoi de ces changements de noms sans raison valable.
Construisons de nouvelles villes
Pendant qu’en Rd Congo, on se bat à vouloir faire du neuf avec du vieux, certains pays africains ont déjà résolu ce type des problèmes afin de ne pas falsifier leurs mémoires collectives. Ainsi, pour éviter ce genre des conflits de patronymie, le Nigéria a déplacé et construit sa nouvelle capitale à Abuja, la Tanzanie de Dar-es-Salam à Dodoma, la Cote D’Ivoire d’Abidjan à Yamoussoukro.
Plus près, la ville de Gbado Lite, sortie de nulle part est un exemple où ce genre de conflit n’existe pas.
Autrement dit, si l’on veut honorer la mémoire des Congolaises et Congolais qui ont marqué de leur empreinte l’histoire de ce pays autant construire de nouvelles villes sorties des terres et débaptiser les rues en leur honneur et mémoire. Et ce n’est pas l’espace qui manque dans ce pays encore vierge ou des moyens pour ne pas donner l’impression que la Rd Congo est sans ambition. L’avantage que l’on tirerait de nouvelles villes c’est d’abord une bonne urbanisation et l’organisation de tous les services publics. Pour éviter la crasse et tous les détritus, le service d’hygiène et de salubrité fonctionnerait à plein régime, la desserte en eau et en électricité éviterait des raccordements illicites.
In fine, l’objectif serait de restaurer l’histoire ainsi que la mémoire collective afin d’éviter l’amnésie. Les générations futures doivent être correctement informées sur leur pays, l’histoire ne saute pas, à chaque période d’assumer son histoire.
VAN